Niches Fiscales

Publié le par Jean-François Anquetil

Selon le Magazine Challenge, Le rapport sur les niches fiscales et sociales, piloté par l’Inspection générale des finances (IGF) a fait l’effet d’une bombe. Et pour cause, la moitié des dispositifs recensés a été jugée peu ou pas efficace. En y mettant fin, le gouvernement économiserait 53 milliards d’euros. Quatre fois plus que l’effort annoncé par le gouvernement pour le budget 2012.

L’IGF s’est notamment penché sur le cas des niches telles que le taux réduit de TVA a 5,5% sur les travaux dans les logements. Instaurée en 1999, elle est jugée peu "efficiente", avec un score de "un" sur une échelle de "trois". La Cour des comptes avait déjà stigmatisé, en octobre 2010, son coût démesuré : le nombre de postes créés grâce à cette niche serait compris entre 30.000 et 50.000, soit un coût par emploi variant entre 75.000 et 135.000 euros ! Les niches sur l’emploi à domicile ne sont guère mieux notées. Depuis 1991, les particuliers peuvent ainsi déduire de leurs impôts 50 % des sommes déclarées pour l’emploi de personnel à domicile. Mais les conditions d’utilisation du dispositif ont été assouplies depuis 2005, ce qui a provoqué un doublement de la dépense fiscale qui profite en outre aux plus riches (10% des foyers les plus aisés accaparent 70% des aides publiques).

Bref, les niches coûtent chers, surtout quand on parle de plan de rigeur ; et surtout quand on prend en compte l’ensemble des niches, y compris celles qui sont « cachés » comme le montre ce reportage de France 2.

Comment expliquer une telle continuité politique sur ces niches qui semblent si chères ?

La première explication serait leur efficacité économique. C’est l’explication logique par excellence. L’Etat, porteur de l’intérêt général, « sait » ce qu’il fait ! Les niches fiscales seraient donc une façon de « piloter » l’économie. En créant des niches fiscales, l’Etat orienterait l’allocation des ressources vers des secteurs jugés prioritaires. La niche serait donc une expression de la fameuse troisième voie : sans imposer par l’impôt le développement de ces secteurs (une étatisation complète), l’Etat, par l’incitation, ne laisserait cependant pas « le laissez-faire ». Le problème est que cette explication ne tient pas, ou du moins dans la réalité, les effets négatifs l’emporteraient largement sur les avantages. Sauf que que le récent rapport montre l'inverse : 53 milliards, c'est le montant des recettes fiscales dont, chaque année, l'Etat se prive à mauvais escient, selon une étude réalisée par l'Inspection générale des finances (IGF), ce qui reprèsente la charge de la dette de l'Etat.

niche

La seconde explication est de voir la niche fiscale comme un cadeau fiscal pour un groupe social particulier. En suivant l’école de Virginie, la niche fiscale ne serait qu’un marchandage : voix électorales contre déductions fiscales. Certes, cette interprétation laisse entière la question de savoir si la niche fiscale a été décidée par le gouvernement pour favoriser un groupe social (ex-post), ou si un groupe social particulier a exercé une pression (lobbying) sur le gouvernement pour bénéficier de ce cadeau (ex-ante). Mais elle rend compte d’une réalité évidente : Il faut en effet compter avec les interventions des lobbies auprès des cabinets ministériels, des députés ou des sénateurs. Au fil du temps, chaque secteur voyant un intérêt à une niche pourrait se montrer moins coopérant en terme de vote électoral si l’on touchait à la niche fiscale le concernant. D’autant qu’une fois la niche fiscale votée, le secteur concerné intègre cette législation dans son fonctionnement et son retrait, comme le retrait d’une paire de béquilles, ferait tomber celui à qui elles sont nécessaires, provoquerait une restructuration, pouvant se traduire par des pertes d’emplois. Du coup, plus personne n’ose y toucher !

La troisième explication est liée aux déficits publics. Les administrations devant limiter leurs dépenses, ne pouvant donc plus subventionner, feraient des cadeaux fiscaux à « leurs administrés ». « Dans un contexte de rigueur budgétaire, il est plus facile d'obtenir 150 millions d'euros de crédits d'impôt que 30 millions de subventions », résumait il y a quelques années Michel Taly, ancien directeur de la législation fiscale à Bercy. Ce dernier était exaspéré à l'époque par des propositions de niches « quasi quotidiennes ». En France, on compte 500 niches fiscales ou sociales...

La quatrième explication est que la niche est probablement une méthode qui indolorise l’impôt. Elle favorise finalement l’acceptation psychologique de l'impôt. Sans les niches fiscales, les contribuables se braqueraient contre l'Administration. En créant des petits privilèges à toutes les catégories, on obtient finalement des sommes plus importantes, la paix fiscale en plus ! !

Les niches ne sont donc pas près de disparaître. Finalement injustes (tout le monde n’y a pas accès et/ou n’en connaît pas les mécanismes), d’une efficacité économique douteuse (une perte fiscale pour le Trésor), elles freinent en outre une grande réforme fiscale puisque chacun s’accroche à son petit privilège. Peut-être que la crise de la dette obligera la suppression des niches. Difficile à faire durant une campagne présidentielle.

Question : Qu'est-ce qui pourrait justifier le maintien d'une niche fiscale ou sociale ? 

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